
Communiqué de la communauté juive de Porto (1ER MARS 2018)
Après trois ans de travail sur le processus d’authentification des descendants de Juifs sépharades, l’administration de la Communauté Juive de Porto (CIP) souhaiterait préciser les points suivants :
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1. La plupart des certificats octroyés par la Communauté Juive de Porto sont destinés aux descendants des Juifs sépharades qui après avoir été expulsés du pays ont migré vers les Balkans (Albanie, Bulgarie, Macédoine du Nord, Grèce, Monténégro…), dans certains pays musulmans (Turquie) ou arabes (Liban, l’ancienne Palestine, Syrie, l’Égypte, l’Algérie, Maroc, la Lybie et la Tunisie), issus des liaisons familiales entre d’anciens juifs portugais et d’anciens juifs espagnols. Ces personnes sont aptes pour obtenir la nationalité portugaise et espagnole.
2. Les candidatures proposées seront évaluées par le Comité de la Loi de Nationalité de la CIP en tenant en compte de tout élément pouvant corroborer l’appartenance des candidats à la communauté juive d’origine portugaise.
À titre d’exemple, les noms de famille (pas uniquement celui du demandeur), la liste des noms de famille juifs traditionnels des pays où ses ancêtres ont résidé pendant les siècles derniers, les ketubot et objets familiaux anciens qui ont été sauvegardés jusqu’à aujourd’hui, les synagogues et les groupes auxquelles ils ont été liés, des événements historiques relatés dans les documents archives relatif à la diaspora sépharade portugaise, les archives mortuaires, les rituels religieux ou habitudes alimentaires, la liaison du candidat avec la communauté juive actuelle examinée suivant la Halacha, les sites religieux fréquentés aujourd’hui, son niveau de connaissance de la religion, de la culture, des histoires familiales et de la communauté en quelque sorte. Pour mieux réussir cette étude, il conviendra d’utiliser tous les outils disponibles
3. les informations apportées plus haut ont conduit la législation du pays à impliquer la communauté juive de Porto et celle de Lisbonne dans la procédure de certification.
4. Le Comité de la communauté juive de Porto sous la direction du Rabinât de Porto et composé d’autorités juives d’origine portugaise étant dans la diaspora, engage des experts et des consultants internationaux. Le Comité ainsi que les services administratifs travaillent 24 h/24 afin d’apporter des réponses expéditives aux abondantes candidatures venant du monde entier. Durant ces 3 dernières années, plus de 300 000 messages ont été échangés.
5. Le comité de la CIP organise régulièrement des sessions en vue de former les avocats portugais et étranger qui représentent certains candidats. Et pour les sessions à venir, la présence du Registraire de la ville (Porto) sera nécessitée. La CIP est en contact permanent avec le Ministère de la Justice du Portugal.
6. Il est possible qu’un certificat soit annulé par le Comité. Par exemple, s’il découvre que le candidat a utilisé de faux documents dans sa demande de certification. Non seulement le certificat sera annulé, mais le candidat sera poursuivi par les avocats de la CIP. Les calomniateurs qui agissent uniquement pour des raisons lucratives, par corruption ou par extrémisme seront également poursuivis.
7. Un grand nombre de juifs venant du monde entier visitent régulièrement le pays où leurs ascendants ont une fois vécu, incluant le grand Rabbin de Turquie Isaak Haleva lors du grand shabbat qui s’est déroulé à la synagogue de Porto (aujourd’hui la plus grande du pays, mais aussi de la Péninsule Ibérique) avec la compagnie d’une centaine d’israélites sépharades turques. La plupart d’entre eux ont été émus de retrouver le Portugal, un pays qu’elle considère comme leur maison.
8. À Porto, a été organisé le concert « Tradition and Modernity – Tribute to our Jewish musical heritage » ou concert de la Mémoire sépharade. Cet événement a réuni plusieurs centaines d’amis et membres de la CIP ainsi que des personnages de la vie publique du pays. Le concert a été organisé dans le but de célébrer l’important soutien des membres du Parlement, mais aussi de toute la communauté portugaise à l’égard de la loi sur le retour des fils des anciens juifs portugais après plus de 500 ans.
9. La CIP a publié en 2018 dans de nombreuses librairies du monde un ouvrage bilingue (Hébreu et Anglais) intitulé « The Portuguese Sephardic Diaspora in light of the archives of the Jewish Community of Porto ». Ce livre a été écrit par l’historien Arthur Villares. Il y présente les résultats des travaux réalisés jusque-là par le Comité de la CIP : le nombre de demandes de certification, pays d’origine des candidats, leurs âges, les critères et preuves, les statistiques, les listes des noms typiquement sépharades, etc.
10. Le Ministre de la Justice du Portugal a reconnu l’acceptation des descendants des Juifs sépharades par la loi sur la nationalité en ces mots : « la loi sur la Nationalité autorise les israélites sépharades à renouer avec la communauté locale à laquelle ils ont été séparés, elle leur permet ainsi de contribuer à la construction d’une nation portugaise plus fraternelle et pluraliste ». Tandis qu’autrefois les Juifs portugais étaient lésés d’un bon nombre de leurs droits, il convient aujourd’hui que tout Juif connaisse ce droit qui lui appartient.
Pour obtenir le passeport portugais, il faut passer par 3 étapes :
1ere Étape : Obtenir un certificat délivré par la CIP ;
2e Étape : Déposer sa candidature pour la nationalité portugaise ;
3e Étape : Obtention du Passeport portugais ;
8 mois, c’est la durée moyenne que le candidat doit attendre pour que le Gouvernement portugais lui accorde la nationalité. Pour cela, la présence du candidat au Portugal n’est pas obligatoire. La loi en vigueur stipule que « le Gouvernement portugais est prêt pour octroyer la nationalité aux fils (de plus de 18 ans) des Juifs sépharades portugais qui démontreront leur lien familial et culturel avec une communauté juive d’origine portugaise, en se basant sur des preuves concrètes comme les noms de famille, les ancêtres directes ou indirectes, la langue parlée dans la famille. »
La citoyenneté sera accordée à tous les demandeurs dont les ancêtres ont été expulsés du pays de 1496 en 1821 pour des persécutions religieuses et qui malgré cette expulsion ont pu maintenir leurs liens avec certaines communautés portugaises telles que la communauté de Smyrne (avant sa dissolution), celle de Salonique ainsi que les synagogues portugaises et espagnoles d’Amsterdam, de Londres, Amsterdam, de Curaçao, du Suriname, etc. ; aux postulants dont les familles ont abandonné la Péninsule Ibérique depuis des centaines d’années et qui malgré cela, ont intégrés les communautés espagnoles et portugaises « Sépharades », ont entretenu de nombreux mariages avec d’autres juifs d’origines espagnoles et portugaises ayant le Ladino (mélange d’espagnol et de portugais avec d’autres dialectes) comme langue ; à tous les petits-fils de Juifs sépharades lusitaniens qui après être partis du Portugal, ont longtemps voyagé de façon ordonnée ou désordonnée, faisant partie ou non d’une confrérie et d’une synagogue et qui ont pu maintenir un lien émotionnel avec leur pays d’origine (le Portugal), même si au fil des ans ils sont entrés dans diverses communautés juives ashkénazes ou sépharades.
Les Juifs de nationalité marocaine par exemple peuvent revendiquer le certificat de la CIP, même s’ils n’ont pas de nom de famille typiquement portugais dans leur arbre généalogique, si leur ascendance aux Juifs sépharades du Maroc ou ailleurs est prouvée, ou s’ils sont petits fils de Megurachim (et pas exclusivement petits fils de Tochavim, ayant des noms de famille aux préfixes Berbère : WaHanun, O’hayon, etc.) et durant des siècles restés dans des communautés juives entretenant d’abondants mariages entre Juifs espagnols et portugais, leur droit est maintenu. Les communautés juives modernes de Faro, Azores, Lisbonne ont été constituées par des petits fils de Megurachim.
Cependant, les candidatures de certains Brésiliens se disant descendants des populations ayant subi la condamnation par l’Inquisition pour hérésie à cause de leur appartenance à la communauté juive ne seront pas automatiquement admises. En effet, ces candidats, pour la majorité des cas, ne sont pas juifs ou n’ont aucuns grands-parents sépharades, ce qui prévient la CIP d’accepter un lien émotionnel conversé à travers les siècles par des coutumes familiales. De même, leurs ancêtres portugais (s’ils en ont bien sûr) pour la plupart n’ont pas quitté le pays dans le but d’échapper aux persécutions religieuses, puisqu’ils se sont déplacés au Brésil, qui alors était aussi une nation portugaise où l’Inquisition était également présente sous la forme de commissariats. En plus, la plupart des personnes condamnées par l’Inquisition pour hérésie en raison de leur confession n’était pas juive, mais chrétienne plutôt. L’Inquisition portugaise était en fait une sorte d’« Usine juive », en créant des Juifs imaginaires. La majorité des dévots chrétiens qui répliquaient aux interrogations de l’Inquisition en attestant ne pas être juifs et n’avoir pas de péché à confesser étaient exécutés tout de même. Et pour sauver leur peau, certains chrétiens quand ils étaient arrêtés, décidèrent de se déclarer Juifs. Ainsi, ils étaient préservés et distants ainsi que leurs proches, les autres les regardaient comme des Juifs, bien qu’ils ne l’aillent jamais été. À l’époque, l’Inquisition a représenté une « Usine à juifs imaginaires » et on répétait avec sarcasme que la menthe fait l’argent et l’Inquisition fait les Juifs. (António José Saraiva, « Inquisição e Cristãos-Novos », 1969).
Tout d’abord, le demandeur de nationalité portugaise est tenu d’obtenir un certificat octroyé par la Communauté Juive portugaise qui témoigne de ses connexions avec la Communauté Juive sépharade du Portugal. Pour l’obtention dudit certificat, la demande devra être adressée à la Communauté Juive de Lisbonne ou celle de Porto. Cette dernière, fondée depuis 90 ans, regroupe les municipalités de Porto et certaines villes aux environs alors que la Communauté Juive de Lisbonne, fondée depuis 102 ans, réunit les municipalités de la ville et des environs.
Pour la communauté de Porto, la demande devra être rédigée par le candidat ou par un mandataire le représentant sous forme digitale et adressée à l’adresse email suivante : [email protected].
Chaque demande adressée à cette adresse obtiendra une réponse, elle peut être positive ou négative. Négative, si le Comité ne réussit pas à trouver assez de preuves pour corroborer la validité des liens traditionnels entre le candidat et la communauté sépharade portugaise. Dans le cas contraire, la réponse sera positive. Il s’agit donc d’un jugement uniquement basé sur les éléments de preuves apportés par le demandeur de certificat pendant l’enquête. Pour faire la demande, le candidat doit avoir plus de 18 ans. Un mandataire peut le représenter. Il doit présenter les documents suivants :
Les documents et les certificats présentés par les candidats ou leurs mandataires devront être physiquement archivés par la CIP.
Les contributions faites par certains membres et amis à la communauté juive de Porto serviront de soutien à la Synagogue Kadoorie Mekor Haim. Elles seront également utilisées pour la promotion de la vie et de la culture judaïque dans la localité de Porto. La tzedakah est réservée à plusieurs associations juives dans le monde entier.
Les membres de l’administration de la CIP tiennent une adresse email ([email protected]) et se chargent de vérifier les candidatures et les pièces jointes. Ce travail est uniquement réservé aux membres administratifs et non au Comité d’évaluation. Le Comité de la CIP peut uniquement juger des candidatures et pièces jointes suivant les instructions légales, mais ils ont la possibilité d’inviter les candidats à répondre à certaines questions via Skype, téléphone ou emails.
Le Comité de CIP est impartial. Il ne fait pas de différences entre les origines des juifs candidats. Chaque mois, la CIP envoie une liste complète des certificats octroyés au Ministre de la Justice. Ainsi, tout document falsifié sera rejeté, et ce, pour sauvegarder l’accès à l’espace Schengen et la Souveraineté de l’Union Européenne. Lors d’une réunion qui s’est tenue à Porto, les Communautés Juives de Lisbonne et Porto ont conclu que les certificats ne pourront être délivrés qu’après une évaluation sérieuse et objective. L’assistance rendue à l’État portugais par la Communauté Juive de Porto et de Lisbonne se traduit par un service public. Ce dernier se charge de vérifier que le candidat a oui ou non un descendant sépharade ayant un lien émotionnel avec le Portugal.
Après la réception du certificat de la CIP (ou Lisbonne) qui atteste que le candidat entretient un lien avec la Communauté Juive portugaise, il devra maintenant chercher un avocat ou des conseillers juridiques pour la préparation des documents à soumettre pour la candidature à la nationalité auprès du Gouvernement portugais. En cas de rejet, le candidat peut, par le biais d’un avocat reconnu et maitrisant le sujet, réaliser un appel à la Cour Administrative. Un délai lui sera accordé pour faire ce recours. Mais si ce délai est dépassé, la candidature sera rejetée définitivement et le candidat ne pourra plus obtenir la nationalité par filiation à la communauté juive sépharade.
Ces documents suivants doivent accompagner la demande de nationalité :
• Certificat octroyé par la Communauté Juive de Porto ou de Lisbonne, attestant des connexions du postulant avec une communauté juive sépharade ou une d’origine portugaise (ce certificat est obtenu en suivant la procédure expliquée dans la première étape) ;
• Procuration pour garantir les pouvoirs propres aux avocats choisis par le candidat. Ces derniers devront fournir les textes portugais requis ;
• Extrait du certificat de naissance du candidat (n’ayant pas plus de six mois) traduit et authentifié par le Consulat du Portugal de son pays ;
• Casier judiciaire du demandeur dans le pays où il est citoyen et dans les pays où il a vécu. Ce casier doit être présenté dans les 90 derniers jours et validé par les Consulats du Portugal de ces pays ;
• Les avocats du candidat devront émettre l’enregistrement criminel portugais du candidat ;
• Photocopie du passeport du demandeur légalisé par le Consulat portugais ;
• indice de connexion du candidat à une communauté sépharade portugaise indiquée dans le certificat octroyé par la CIP.
Pour des questions de sécurité, le Gouvernement portugais peut rejeter la demande de nationalité à certains postulants, même si tous les documents et preuves exigés ont été soumis.
Le candidat a enfin obtenu la Nationalité portugaise. Maintenant, le Registraire du bureau central des enregistrements lui délivre un certificat de naissance portugais par mail. Le candidat devra présenter ce certificat au niveau du Consulat portugais le plus proche pour prendre son Passeport portugais.
Nous somme Francophone
Burau a Lisbon
Bureau a Tel aviv
Lors de la préparation de la proposition du projet de Loi de Nationalité en 2013 ainsi que de la rédaction de la Régulation en 2014, la communauté juive résidant à Porto a apporté sa contribution.
Le projet de loi portant sur la Nationalité autorisant les descendants des Juifs Sépharades à réclamer la nationalité portugaise a été entériné par le Parlement Portugais le 3 Juillet 2013. La Présidente du Parti Socialiste, Maria de Belem Roseira est celle qui a introduit la Loi ; c’est à l’unanimité qu’elle a été ratifiée au Parlement du Portugal. Cette Loi a été source d’interrogations chez certains qui pensaient que cette requête pourrait avoir des motivations d’ordre économique. Mais il n y a que le principe de Justice qui est à la base de ce projet de loi. Ceux qui ont été impliqués dans la rédaction du texte à savoir l’expert Inatio Steinhardt et la Communauté Juive résidant à Lisbonne savent que ce projet loi n’a pas été motivé par des questions économiques.
Après consultation et vérification du texte, le 5 Novembre 2013, une requête a été lancée par la Communauté Juive de Porto. L’objectif de cette requête étant qu’il y ait une mise en place d’un Comité International de rabbins orthodoxes, d’historiens, de chercheurs et de généalogistes spécialisés dans la Diaspora Juive du Portugal. L’opinion d’un des plus grands écrivains spécialisés sur les questions des communautés sépharades, Mordechai Arbell, a été supportée par la Communauté sur ce sujet. Ceci l’a d’ailleurs érigé au rang de membre de bureau du Congrès mondial sépharade.
Ainsi, depuis lors aucun acte visant à l’installation d’un Comité International n’a été mis en place. La Communauté Juive de Porto a relancé de nouveau le Ministère de la Justice en 2014 pour lui faire part des mécanismes susceptibles de faciliter la mise en place d’un Comité. Ce, pour assurer un travail efficace sur cette question.
Les « Juifs sépharades » ou sépharades désignent les communautés juives descendant des Juifs traditionnels de la Péninsule Ibérique (Espagne, Portugal). Sépharade désigne « Hispanie ». Ici, « Hispanie » fait référence à toute la Péninsule Ibérique et pas seulement l’Espagne. D’ailleurs, l’utilisation d’Espagne pour la Castille a été interdite par le Roi portugais Manuel I au XVIe siècle. Il soutenait que l’« Hispanie » romaine ne concernait pas que la Castille. Le Portugal également indépendant depuis 1143 faisait aussi partie de l’« Hispanie ».
Les populations étrangères avec d’autres croyances ne faisaient pas partie des victimes des persécutions religieuses dont subissaient les Juifs de l’époque. La population Juive est très ancienne au Portugal. Elle y était même avant la fondation du Royaume, c’est-à-dire bien avant l’installation des Romains, des Goths, des Celtibériens, des Chrétiens et des Musulmans. Cette présence des juifs en Portugal remonterait à l’époque du Roi Salomon, environ 970 ans av. J.-C.
Le Roi Wisigoth Sisebut, au VIIe siècle, lança un Édit qui exigeait l’expulsion ou la conversion de tous les Juifs sépharades. Ceux qui refusaient étaient soit une exilés, soit dépossédés tous leurs biens. Cet Edit obéissait au Troisième Concile de Tolède et a entrainé le début du Crypto-Judaïsme chez les Juifs sépharades ainsi que l’intégration des Juifs parmi les autres populations. Selon les historiens de l’Église Catholique, il y avait environ 90 000 Juifs, parmi eux beaucoup d’enfants qui avaient été baptisés de force. Les enfants avaient alors été séparés de leurs parents afin de pouvoir leur assurer une éducation catholique loin de l’influence juive, dans une « atmosphère décontaminée ».
Jusqu’en 694, les enfants Juifs étaient enlevés avec le soutien des gouvernements de l’époque. Il eut ensuite le Dix-septième Concile de Tolède qui déclarait que les enfants Juifs, garçons et filles, devraient passer les sept premières années de leurs vies loin de leurs parents et des célébrations et festivités juives. Cette mesure avait pour objectif de leur inclure une éducation chrétienne afin qu’ils soient mariés plus tard à des chrétiens du sexe opposé.
Malgré toutes les persécutions faites aux Juifs de la Péninsule Ibérique, une communauté juive prospère y évoluait. Il paraitrait que le Portugal n’était qu’un petit royaume de la Castille qui accueillait provisoirement des Juifs. Cette version n’est pas avérée et trahit l’importance du Portugal.
En vérité, lors de ces persécutions qui obligeaient les Juifs espagnols à abandonner le royaume ou à se convertir avec un délai de trois mois, le Portugal était resté bienveillant et accueillant pour les Juifs ; ils étaient d’ailleurs sous la protection des seigneurs et des royaumes. Selon l’historien Lucio D’Azevedo, il y aurait environ près de 75 000 Juifs qui sont nés au Portugal ce qui influença fortement les migrants à franchir la frontière.
Si nous nous référons à Abraão Zacuto, près de 120 000 Juifs espagnols auraient franchi à pied la frontière du Portugal. Les ânes tiraient les charriots qui portaient les vieux, les enfants ainsi que des biens (des livres, de l’argent…). Ce flux migratoire attisa la compassion de certains comme le prêtre André Beraldez qui décrivit leur souffrance, la fatigue de la marche. Certains même y trouvèrent la mort, d’autres naissaient. Il parla au nom de tous les chrétiens en disant qu’ils éprouvaient une peine profonde pour ce que vivaient les Juifs.
La traversée de la frontière par certains Juifs fit qu’il eut en Espagne et au Portugal de nombreux liens de famille ainsi que des liens marchands, formant ainsi deux communautés. Par la suite, il eut également d’autres arrivées, parmi eux Ribbi Isaac Aboab. Ils demandèrent permission au Roi D João de s’installer. Le nombre exact de cette vague n’est pas connu. Les populations, martyrisées, dépouillées de tous leurs biens (maisons, magasins) fuyaient l’Espagne accablées.
En peu de temps, l’Espagne fut remplie. Il n’était plus possible d’estimer les migrants. Du fait du nombre important qui venait de s’ajouter à la population (près de 200 000 Juifs), le Roi souhaitant éviter la colère des populations chrétiennes, exigea des Juifs le versement d’une somme à l’entrée du Pays en échange d’un reçu que le juif se devait de garder tout le temps. Ceux qui après vérification n’avaient pas de reçu devraient alors devenir esclaves.
Il ordonna également aux Juifs de se débarrasser de tous leurs matériels religieux tels que les livres de prières et objets rituels écrits en hébreu. Ils se devaient de tout livrer à la Grande Synagogue de Lisbonne pour leurs destructions. Les migrants qui avaient quitté l’Espagne pour le Portugal n’avaient amené avec eux pratiquement que des livres.
Ainsi condamnés dans la pauvreté, car ayant laissé tous leurs biens en Espagne, victimes de pillages, certains Juifs n’étaient pas alors dans la capacité de payer le Roi. Leurs situations furent assez critiques, car ils étaient obligés de vivre dans cette pauvreté sans travail et pas d’argent pour faire du commerce. Il fallait ajouter à cette situation, le rejet qu’ils vivaient parfois de la part de leurs frères Juifs Portugais qui craignaient les conséquences de ces invasions.
Comme dit plus haut, les Juifs qui ne pouvaient payer les montants fixés (ou qui n’avaient pas leurs reçus) devenaient alors esclaves de D. João II dans le Royaume ou prisonniers. Parmi eux se trouvait un grand nombre de jeunes, convertis de force au christianisme et chargés de s’occuper de la colonisation de l’Ile de Sao Tomé. Cette situation affaiblit des centaines de familles juives originellement prospères et respectées en les exposant au dénuement et à la violence quotidienne.
Ainsi, des milliers de Juifs ont dû fuir le Portugal, de 1493 en 1494, en raison de ces situations difficiles.
Les premiers Juifs qui ont quitté la Péninsule Ibérique étaient pratiquement des rabbins de renoms et avaient pris le chemin vers l’Empire Ottoman. Ils avaient été accueillis par les petites communautés juives. Il s’agissait souvent de « mustarabim » nom désignant les Juifs arabes. Il eut une forte intégration des Juifs sépharades chez ces Juifs arabes en établissant des écoles et synagogues indépendantes, des cimetières ainsi que des courts rabbiniques. Ils s’étaient alors dotés d’une vie de juif très élevée. Ces Juifs sépharades originaires de l’Espagne et du Portugal ne se liaient qu’entre eux. Des congrégations et réunions étaient fréquemment organisées suivant leurs villes et régions au Portugal et Espagne. Ils faisaient tout pour conserver leur culture locale (coutumes, langues, rituels traditionnels et règles de leurs communautés respectives).
Même s’ils vivaient désormais au sein de l’Empire Ottoman et dans les autres parties du monde, les Juifs sépharades conservaient leurs noms, les reliant à leurs origines géographiques tels que Kahal Kadosh Portugal, Kahal Kadosh Castille, Kahal Kadosh Aragon… et la plupart se mariaient entre eux afin de préserver leurs origines biologiques et parlaient leur dialecte (le Ladino) qui mélangeait le portugais, l’espagnol et les langues locales.
Il eut également de nombreux Juifs portugais et espagnols qui prirent la route menant vers le Maroc, au port d’Asilah qui était sous le contrôle du Portugal. Ainsi les Juifs sépharades d’Espagne et du Portugal qui y vivaient se sont unis en raison de leurs histoires identiques et de leurs origines similaires. Il eut alors une propagation de la communauté sépharade partout dans le Maroc et dans toute la Méditerranée. Les Juifs sépharades conservèrent leur identité aristocratique et mirent en avant leur appartenance à la dynastie de David, ce que les Juifs indigènes communément connus sous le nom de toshabim remarquèrent tout de suite. Ils se sont rendu compte de la supériorité dans le nombre comme dans le cadre social de leurs frères de foi venant de la Péninsule Ibérique.
En 1495, le Roi D. Manuel I fut à la tête du Royaume Portugais. Il affranchit les Juifs, mais finit par la suite par être envahi par l’intolérance. Il tenta alors de les forcer tous à adopter la foi chrétienne. Une triste anecdote l’affirme. Lors de la première nuit de la Pâque juive, les soldats du royaume ont persécuté des familles juives en enlevant les enfants âgés de moins de 14 ans. Ces derniers étaient forcés à se convertir. Quant aux parents, le Roi pensait qu’ils allaient embrasser de plein gré la religion chrétienne. Il eut même, selon Salomon Ibn Verga, une mère désespérée qui supplia le Roi de libérer son enfant en se jetant devant les chevaux alors que le Roi se rendait à la messe dominicale. Les gardes royales se virent ordonner d’enlever la dame du passage. Cette dernière refusa et se vit traitée de prostituée.
En Décembre 1496, l’Edit d’Expulsion entraina l’exclusion des Maures au lieu des Juifs. Les Juifs, enfermés à l’intérieur du territoire, n’avaient d’autre choix que d’embrasser de force la foi chrétienne ou alors d’être expulsés. Les ports ont été fermés, les bateaux renvoyés en mer, toutes les frontières mises sous une forte surveillance et les sorties limitées. Ces Juifs se virent alors contraints à rester au Portugal et désormais nommés « Nouveaux Chrétiens ». Lisbonne se vit alors rapidement dans l’incapacité de contenir les nombreux Juifs qui ne voulaient que quitter le pays. Beaucoup étaient envoyés de forces dans les fonds baptismaux. Une conversion globale fut décrétée ; il n’y avait alors plus de Juifs dans les territoires portugais. Il y avait que de « nouveaux chrétiens ».
Cependant, ce ne fut pas le cas à Lisbonne et Porto. L’Edit n’y avait pas autant d’effet. Dans ces villes, les Juifs ne furent pas assujettis à des violences et certains acceptaient publiquement la conversion sans y être forcés. Mais, ils gardaient secrètement leur foi juive. Le fondateur de la Communauté Juive de Porto en l’occurrence le Capitaine Barros Basto écrit que les synagogues étaient abandonnées et ruinées. Il a également noté que les prières et psaumes n’étaient plus alors chantés, mais murmurés dans des salles de prières qu’ils avaient aménagées dans leur maison. Ces faux chrétiens, selon le Capitaine, ne pouvaient pas fuir et avaient une certaine affection aux terres portugaises de leurs ancêtres. Ils ont donc créé le Crypto-Judaïsme.
Environ dix années après ce commandement, les crypto-Juifs ont enfin eu la possibilité de sortir du pays. Une sorite qui devait se faire sous de grands risques, dans la clandestinité et en dépit des menaces et chantages récurrentes. Il y avait un grand fossé entre le nombre de Juifs qui quittaient l’Espagne et ceux qui atteignaient le Portugal. Le Roi espagnol Fernand alors catholique, sollicita auprès du Roi portugais d’exiger que les fugitifs juifs soient renvoyés à la frontière.
Au début du XVIe, en 1504 à Lisbonne, la rumeur qui faisait des « nouveaux chrétiens » les responsables de la famine propagée causa un soulèvement contre eux. Leurs offenseurs furent sanctionnés par les autorités. Ils ont été exilés à l’Ile de Sao Tomé et traités comme de grands malfaiteurs. Beaucoup de personnes se sont levées contre la sévérité des pénitences lorsqu’après quelques jours des dizaines de « nouveaux chrétiens » ont été vus en train de pratiquer la religion juive. Cela fut la cause d’un scandale de grande envergure.
Le 19 Avril 1506, la situation devint très critique lorsque les catholiques de l’Église Saint Dominique parlèrent de miracle, convaincus qu’un crucifix dégageait une lumière spéciale. Mais un des « nouveaux chrétiens » tenta de démontrer le contraire. Il s’étonna du fait qu’un simple bout de bois séché puisse être source de miracle. À cause de cette intervention audacieuse, il fut brulé vif et jeté au cimetière. Cette exécution marque le début de la persécution à mort des « nouveaux chrétiens ». Après un génocide qui dura trois jours, les agresseurs ne trouvaient plus de « nouveaux chrétiens ». Ils se jetèrent alors aux « anciens chrétiens ».
L’arrivée des soldats du Roi mit fin à ces émeutes, viols et pillages. Ils réprimaient alors sans pitié, même les femmes. Ceux qui tentaient de se révolter furent immolés et l’Église Saint Dominique fut aussitôt fermée.
Tous les habitants étaient obligés de payer une amende imposée par le Roi. Cette amende comprenant 1/5 de leur biens, était un moyen pour le Roi de rendre concret son mécontentement vis-à-vis des génocidaires. Et toutes les populations se virent obligées d’en payer le prix.
« C’est trop demander à un Juif d’être un Chrétien dans son cœur », le Roi croyait fortement à ce vers écrit par le poète portugais Gil Vincente. Ainsi le Roi annonça en Mars 1507 que lesdits « nouveaux chrétiens » étaient désormais libres de partir avec leurs affaires contrairement à l’immigration clandestine qui leur privait de leurs biens.
Des milliers de Juifs en ont ainsi profité pour migrer dans différentes parties du monde, ce fut la troisième vague migratoire. À l’Empire Ottoman, en 1510, vivaient près de 50 000 Juifs sépharades venus d’Espagne, du Portugal et d’Italie.
Malgré l’autorisation du Roi à quitter le pays sans aucune exigence, certains Juifs décidèrent quand même de rester au Portugal. Ils reçurent la promesse d’être exemptés de sanctions et autorisés à pratiquer leur religion. Des milliers de Juifs continuaient de franchir clandestinement la frontière espagnole pour se rendre au Portugal du fait des persécutions du côté espagnol. En 1521, la mort de D. Manuel fut annoncée. Nombreux « nouveaux chrétiens » l’appelaient alors « El-Rei judeu » signifiant « le Roi Espagnol » ; un signe qu’ils l’acquittèrent des péchés qu’il avait commis dans le passé. Une période obscure de guerre contre le culte Juif ainsi que les désobéissances contre le Christianisme s’annonçait.
Au cours du règne du Roi D João III au Portugal, l’Inquisition fut établie. Il est dit qu’à l’époque une personne sur cinq était Juive. Les mariages qui liaient les « nouveaux chrétiens » aux « anciens chrétiens » ne cessèrent d’augmenter durant ces siècles d’Inquisition. Il était difficile alors au Portugal de trouver une famille dont l’arbre généalogie n’avait pas de « nouveaux chrétiens ». Afin d’éviter la propagation de cette situation, des puritains plaidaient l’expulsion générale des « Nouveaux Chrétiens » et qu’il n’y ait que d’anciens dans le territoire portugais. Tout le monde n’était pas d’accord. Les populations s’opposèrent à un tel plaidoyer qui selon elles viderait complètement le pays.
Il parait même que le Roi Filipe d’Espagne a tenté l’Acte de foi en 1590 à la Capitale du Portugal : Lisbonne. Face à la foule, il dit alors que les accusés seraient alors peut-être les seuls à ne pas être Juifs. Il ajouta que ceux qui regardaient étaient Juifs et les autres étaient les pressentis.
Comme en Espagne, le Crypto-Judaïsme était un acte châtié à mort. Les enfants étaient avertis. Il ne fallait pas qu’ils fassent des choses qui auraient pu exposer leurs parents à une telle punition. Selon le rapport de Torrejoncillo, il eut un responsable religieux chargé de confesser un enfant et lui demanda, selon la coutume, son nom. L’enfant fit savoir qu’il avait un nom à la maison différent du nom en dehors de la maison. Le prêtre lui demanda alors son nom à la maison, « Abraham », lui dit l’enfant tandis qu’au-dehors il répondait au nom de Petit Francis. Ce paradoxe annonça la persécution des hérésies juives, mais pas des descendants Juifs. Ils essayèrent alors d’établir les arbres généalogiques afin de donner la preuve qu’ils n’avaient pas de sang juif. Cette étude lointaine semblait cependant impossible, car les Inquisiteurs étaient conscients que la conversion forcée avait commencé 1000 ans. À l’époque l’élaboration des arbres généalogiques n’avait pas encore commencé, alors qu’il y avait près de 90 000 Juifs qui avaient été forcés à embrasser la foi chrétienne.
Au vu de cette situation, le mot portugais devenait alors synonyme de juif dans toute l’Europe. Une idée qui se répandait partout et même chez les communautés juives. L’histoire raconterait qu’une personne juive venant de France avait été chargée de donner des cours de grec au Portugal. Cette personne croyant que l’hébreu était la langue du Royaume Portugais l’avait apprise avant de venir.
La migration de Juifs entre le Portugal et l’Espagne continuait et se voyait. Sur la liste des personnes victimes de l’Inquisition espagnole, il eut de nombreux noms d’origine portugaise. Un Autodafé fut d’ailleurs réalisé à Madrid en 1680 afin d’unir 106 personnes accusées de Judaïsme. Il y avait parmi eu 76 Portugais.
La liste des victimes de l’Inquisition portugaise, se trouvent également beaucoup de noms espagnols comme Alonzo, Arroyo, Bueno, Cardozo, Corgena, Escobar, Trigillos, Uchoa, Valladolid, Vilhalva, Vilhegas Xinimez et beaucoup d’autres. Il eut également certains qui répondaient par des surnoms faisant allusion à l’Espagne comme « O Galego » pour « Le Galicien ». Il y en avait également d’aucuns qui voyageaient vers Leon ou Castille afin de retrouver leurs proches.
Entre 1540 et 1765, qui faisait partie de la période de l’Inquisition, près de 50 000 « nouveaux chrétiens » auraient quitté le Portugal. Ce qui marqua la dernière vague migratoire des Juifs portugais. À la Grande Synagogue de Lisbonne, en 1493 des collections entières de livres retrouvées en Asie, en Afrique et dans d’autres zones y ont été détruites.
Les Juifs portugais ont fondé des communautés sépharades en Europe Occidentale notamment en Amsterdam, Londres, Hambourg… Ces communautés sépharades ont été fondées selon les préceptes religieux des rabbins de l’Empire Ottoman. Ce sont les premières communautés établies par les Portugais.
L’Histoire décrit une poursuite constante contre les Juifs par des enquêtes pour découvrir leurs noms laïques, hébreux et leurs surnoms. L’étude des noms des Juifs sépharades révèle 3 ères distinctes : l’ère des vrais noms, l’ère où les noms changés en raison de l’oppression politique et l’ère de la restauration des vrais noms.
En 1493, on estime qu’environ la moitié de la forte communauté juive vivant au Portugal avait abandonné le royaume pendant la période des fortes migrations, entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Ainsi l’autre moitié crypto-juive, environ une centaine de milliers qui se retrouva liée par le mariage aux populations chrétiennes, constitue la population portugaise actuelle.
La généalogie de chaque personne montre que tous les Portugais descendants de Juifs des derniers siècles sont descendants du peuple juif. D’ailleurs, les Allemands nazis savaient qu’assaillir les descendants des Juifs du Portugal revenait à tuer tout le peuple portugais.
Avoir des ancêtres Juifs ou Celtibères, Romains, Goths, Musulmans et Chrétiens ne faisait pas forcément des citoyens portugais des crypto-Juifs dits « Bnei Anousim ». Les Bnei Anousim sont ceux qui ont été convertis en chrétiens, mais continuaient quand même de prier Hashem en maintenant l’idéologie et la culture juives dans leurs cérémonies de mariage comme les crypto-Juifs de Belmonte, Portugal. Le Comité religieux, la CIP ainsi que les spécialistes sont convaincus qu’il n’y a plus de Bnei Anousim dans le territoire portugais. Ceci, selon eux, fait désormais partie du passé et n’est plus qu’une partie de l’Histoire.
La Communauté Juive de Porto a d’ailleurs fondé par un descendant de crypto-Juifs il y a 90 ans avec des commerçants venus de l’Europe Centrale et de l’Est. Aujourd’hui, le Portugal compte 800 Juifs. Des Juifs sépharades originaires de Gibraltar et du Maroc ont fondé la Communauté Juive de Lisbonne il y a presque un siècle. Au Belmonte, la communauté Juive a été fondée par des Juifs du Portugal qui ont vécu dans le Crypto-Judaïsme jusqu’au XXe siècle.
Bien qu’il n’y ait pas beaucoup de Juifs au Portugal, les cultes et traditions Juives furent pourtant fortement intégrés chez les citoyens portugais.
Les persécutions qu’ont vécues les Juifs ont tellement marqué l’histoire du Portugal que l’idéologie juive est présente chez tous les Portugais, même ceux qui ne sont pas Juifs.
Les voyageurs portugais d’il y a deux, trois ou même quatre siècles avant étaient considérés comme des Juifs ; dire que quelqu’un était portugais était comme dire qu’il était juif. Cette situation n’était pas dans toute la péninsule Ibérique, l’Espagne n’était pas concernée.